La lutte de Casandra Diamond pour mettre fin à la traite de personnes Entrevue avec l’une des personnes les plus actives dans la lutte contre la traite d’êtres humains au Canada

La lutte de Casandra Diamond pour mettre fin à la traite de personnes

Entrevue avec l’une des personnes les plus actives dans la lutte contre la traite d’êtres humains au Canada

Bien qu’invisible pour beaucoup de gens, la traite de personnes est l’un des problèmes les plus graves auxquels les Ontariennes et les Ontariens sont confrontés. Selon le gouvernement provincial, l’Ontario est un important centre de traite de personnes et plus des deux tiers des cas signalés au Canada le sont ici, dans cette province. La plupart de ces cas impliquent l’exploitation sexuelle.

Casandra Diamond est au premier plan de la lutte contre la traite de personnes. Elle est la directrice fondatrice de BridgeNorth Women’s Mentorship & Advocacy Service, un organisme de bienfaisance dirigé par des survivantes dont l’objectif est de mettre fin à l’exploitation sexuelle au Canada. Au mois de mai dernier, Casandra a prononcé le discours d’ouverture de la Journée de l’assemblée annuelle et de la formation de 2018 de l’Ordre, portant sur la traite de personnes. Elle est également la conférencière principale aux forums éducatifs de North Bay et de Kingston de cette année.

Une survivante elle-même, Casandra connaît très bien la dynamique et la culture du commerce du sexe. Elle est parfaitement consciente des besoins des femmes qui tentent de se dégager des griffes de cette industrie.

Q : Qu’est-ce qui vous a incitée à vous engager activement dans la lutte contre la traite de personnes?

Ayant été moi-même victime de la traite, je connais les difficultés et la violence causées par ce crime. Ce n’est qu’après en être sortie que j’ai pu avoir une vie sans violence, et j’ai voulu partager tout cela avec les femmes avec qui je venais de passer les dix dernières années de ma vie. Je voulais tendre la main à d’autres femmes et les aider à comprendre qu’elles avaient de meilleures options.

Je veux que les Canadiennes et les Canadiens comprennent que c’est un problème auquel des jeunes filles sont confrontées dans notre société. J’ai vu que rien n’empêche les prédateurs de m’exploiter et d’exploiter d’autres comme moi, parce que les gens ne se rendent même pas compte de ce qui se passe dans notre propre société.

Q : Pouvez-vous décrire le coût humain?

Le coût est absolument humain – sur le plan physique et sur le plan psychologique. Les victimes de la traite vivent dans des conditions très difficiles. Les trafiquants privent souvent leurs victimes des nécessités de la vie, de nourriture et de sommeil et les forcent à travailler de longues heures. Les victimes de la traite commencent à avoir l’impression que la société s’est retournée contre elles, et elles cessent d’essayer d’être « normales ».

Beaucoup de gens finissent par sortir de cette industrie, mais tout le monde n’en sort pas intact… tatouages faits de force, des dents et des os brisés, la séropositivité. Les séquelles ne sont pas seulement physiques. Les victimes de la traite de personnes présentent également des taux élevés de stress post-traumatique, de dissociation, de maladie mentale et de suicide. J’ai connu personnellement cinq femmes qui ont été assassinées ou se sont suicidées. Les séquelles vous marquent pour le reste de votre vie et les dommages sont souvent permanents.

Q : Qui est le plus vulnérable et à risque d’être victime de la traite de personnes?

Être une adolescente est le principal facteur de risque dans la traite de personnes. Les personnes les plus vulnérables sont celles qui font partie du système de protection de l’enfance et qui ont subi de mauvais traitements dans leur enfance, surtout de l’abus sexuel.

Ceci étant dit, je vois aussi beaucoup plus de filles de la « société en général » dans l’industrie du sexe. Selon moi, beaucoup de facteurs contribuent à cette situation, notamment l’hypersexualisation de notre culture actuelle. En outre, Internet et les médias sociaux ont facilité la tâche des trafiquants pour amadouer et attirer des victimes potentielles. Auparavant, les gens savaient qu’il fallait éviter certains endroits, mais maintenant, il y a des trafiquants sur les plateformes de médias sociaux les plus fréquentées, comme Instagram et Snapchat.

Q : Comment les travailleurs sociaux et les techniciens en travail social peuvent-ils aider les victimes de la traite de personnes?

Les travailleurs sociaux et les techniciens en travail social peuvent aider les victimes en apprenant à reconnaître les signes de la traite de personnes et, entre autres, en comprenant plus à fond la culture de ce fléau. Les travailleurs sociaux et les techniciens en travail social ont un accès unique aux victimes de la traite, car ils interviennent dans les systèmes de protection de l’enfance, de justice et de santé, là où on trouve souvent des personnes victimes de la traite ou à  risque de le devenir.

Le travailleur social ou le technicien en travail social est l’une des rares personnes avec lesquelles une victime de la traite communiquera à l’extérieur de l’industrie. Il est donc essentiel que vous abordiez cette personne avec intelligence et empathie afin de développer une relation de confiance.

Q : Quelles sont les idées fausses les plus répandues sur la traite de personnes?

Les perceptions au sujet de l’industrie du trafic sexuel sont souvent erronées. Premièrement, on pense que les victimes de traite de personnes ont été introduites clandestinement au Canada. C’est faux : la majorité des victimes de la traite au Canada viennent du Canada.

Deuxièmement, on pense que les victimes de la traite peuvent toujours quitter l’industrie du sexe si elles le souhaitent. Ce n’est pas vrai non plus, car les trafiquants maintiennent souvent le contrôle de leurs victimes en recourant à la manipulation émotionnelle, aux mauvais traitements et à la servitude pour dettes.

Et troisièmement, on pense que tous les trafiquants de sexe sont des hommes. Même si la grande majorité des trafiquants de sexe sont des hommes jeunes, on trouve aussi des femmes, dont beaucoup sont d’ailleurs elles-mêmes encore des victimes.

Q : Quelles sont les ressources à la portée des travailleurs sociaux, des techniciens en travail social et des autres personnes qui souhaitent en savoir plus sur la traite de personnes?

Le ministère des Services à l’enfance et des Services sociaux et communautaires a une page Web qui fournit des renseignements, notamment sur les ressources locales, ainsi qu’une ligne d’assistance téléphonique confidentielle au numéro sans frais 1 833 999-9211.

L’organisme MCIS Language Solutions offre gratuitement des ressources de formation en ligne, des conseils et des outils sur http://helpingtraffickedpersons.org/

Le réseau Chrysalis (www.chrysalisnetwork.org) offre un service de consultation téléphonique confidentiel gratuit aux femmes, aux hommes et aux jeunes victimes de la traite.

L’Ordre tient à remercier Casandra Diamond de nous avoir accordé cette entrevue. Si vous avez des questions de pratique professionnelle concernant la traite de personnes, veuillez communiquer avec le Service de la pratique professionnelle de l’Ordre à exercice@otsttso.org.